Les derniers bandits kurdes de la Turquie moderne-L’Homme et la société

Ahmet Özcan, “Les derniers bandits kurdes de la Turquie moderne: Analyse des soulèvements individuels «spontanés» kurdes ou le banditisme contre l’État-nation turc”, L’homme et la société, Vol. 187-188, January-July 2013, pp. 155-181.

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Résumé

La période qui s’étend de 1950 à 1980 en Turquie a été celle de la réémergence massive du banditisme kurde, de son apogée et finalement de son déclin et de sa disparition. Nous analyserons cette histoire des dernières formes de banditisme kurde de la Turquie moderne en posant la question suivante : dans quelle mesure peut-on affirmer que les « crimes ordinaires » des derniers bandits kurdes étaient extraordinaires ? Nous présenterons une analyse critique des travaux portant sur le banditisme en Turquie, puis nous montrerons que la dichotomie qui oppose le banditisme social au banditisme antisocial dans laquelle se cantonne la littérature générale sur le sujet, peut être révoquée en doute par une autre perspective théorique qui accorde toute sa place à la nature politique et juridique des crimes « ordinaires » de banditisme. L’analyse empirique repose sur l’analyse textuelle des quotidiens parus entre 1950 et 1980 et permet de montrer que c’est le mode de vie nomade, dont le banditisme est directement issu, qui a représenté, aux yeux de l’élite, une menace substantielle au processus d’édification de l’État-nation turc. Autrement dit, grâce aux mesures prises à l’encontre du banditisme, l’État tentait en réalité de dissoudre les communautés nomades elles-mêmes, le banditisme kurde étant utilisé comme un moyen de pénétrer les régions kurdes. L’établissement d’un ordre géré par l’État au nom de la lutte contre le banditisme a de facto produit de l’insécurité chez les habitants de cette région. Le banditisme assure cependant une fonction de protestation sociale, les légendes qui l’entourent permettent de se moquer de toute la structure étatique et de sa supposée invincibilité. Enfin, la disparition soudaine du banditisme dans la dernière phase du phénomène à la fin des années 1970 correspond au succès du processus de centralisation étatique destiné à dissoudre les tribus nomades, qui ont transformé les régions kurdes grâce à l’établissement de vastes domaines terriens et à une urbanisation rapide. C’est alors qu’émergent les premiers mouvements kurdes armés organisés à la fin des années 1970.


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