Ahmet Özcan, “Les derniers bandits kurdes de la Turquie moderne: Analyse des soulèvements individuels «spontanés» kurdes ou le banditisme contre l’État-nation turc”, L’homme et la société, Vol. 187-188, January-July 2013, pp. 155-181.
L’histoire de la rébellion kurde contre l’État-Nation turc, et conjointement celle de la question kurde dans la Turquie moderne, débute avec le déclenchement des grandes émeutes de Koçgiri, Cheik Said et Dersim à l’aube du XX ͤ siècle. Après répression étatique extrêmement musclée, cette rébellion semble entrer en sommeil. Dans l’historiographie silence et inertie prévalent jusqu’ à l’émergence des premiers mouvements kurdes organisés à la fin des années 1970, ceux du DDKO (Foyers culturels orientaux révolutionnaires de l’Est) qui finissent par laisser la place au monopole de Partiya Karkêren Kurdistan (PKK – Parti ouvrier kurde). En d’autres termes, la dernière phase du banditisme kurde, qui émerge comme phénomène de masse dans les années 1950, atteint son apogée dans les années 1960 et a soudainement dısparu à la fin des années 1970, ne semble pas faire partie de l’histoire du ressentiment kurde, et ce, en dépit du fait que le banditisme kurde, dans sa phase ultime en Turquie moderne, a contribué de manière significative à la transformation de la région. Il est, en effet, devenu l’un des principaux thèmes sollicités dans le processus d’édification de l’État-nation turc, et a survécu jusqu’à l’émergence des premiers mouvements organisés kurdes à la fin des années 1970. Il a alors laissé en héritage sa « philosophie montagnarde » rebelle aux mouvements qui ont succédé et gui ont contribué à sa disparition. Cet article tente de combler les vides laissés par cette histoire oublieuse du ressentiment kurde en posant la question suivante : dans quel sens les « crimes ordinaires » des derniers bandits étaient-ils extraordinaires ?